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Après votre premier essai réussi pour l’Année Bisexuelle, comment vous est venue l’idée de cet improbable festival au bord d’une plage saccagée par une marée noire de CDs de RnB ?

Benoit Forgeard. Après l’achèvement de L’Année Bisexuelle, nous pensions réaliser pour l’été une émission en Corse ou dans les Pyrénées, autour du Tour de France. De là est venue l’idée d’installer l’action en province, mais nous voulions raconter une province envoûtante et mégalomane, pas celle, archi-rebattue, des traditions pittoresques et des guerres de clochers. Au Tour de France, s’est alors substitué un autre fleuron national : le nucléaire. Les personnages d’un maire et de son adjoint sont apparus. A l’origine du projet, ils tentaient de monter un festival dans leur commune pour sauver leur centrale, menacée de fermeture. Une sorte de Woodstock de l’uranium 235. Tout ça s’achevait en apocalypse atomique. L’apocalypse a finalement cédé sa place à une simple marée noire.

L’émission se déroule sur fond de crise pour la mairie de Port Alpha, doit-on en conclure que le programme lui-même a été tourné avec des coupes drastiques dans le budget, avec la nécessité d’user de trucs et astuces pour le montage, qu’on imagine en urgence ?

Bertrand Burgalat. C’est au contraire le manque de moyens qui nous permet d’être ambitieux, de ne pas céder aux procédés faciles et coûteux.

BF. La crise infuse et inspire plus ou moins consciemment. De l’astuce, il y en a nécessairement. Notamment à travers l’usage des fonds verts. Je suis également soumis par la production à une économie de plans drastique. Dans notre système, le tâtonnement, souvent dispendieux, n’a pas droit de cité. Nous préférons, par souci d’efficacité, trouver immédiatement la bonne solution.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’équipe chargée des effets « spéciaux », particulièrement réussis ?

BF. Il s’agit de la compagnie Mathematic, située à Paris. Informés avant le tournage de nos différentes demandes, ils s’en sont acquittés avec un professionnalisme certain. En passant quelques soirées et quelques nuits avec la petite bande d’opérateurs qui officiaient sur Ceux de Port Alpha, j’ai réalisé qu’ils s’amusaient beaucoup à travailler sur ce projet qui ne ressemble à rien de ce qu’ils font habituellement. C’est la première fois que j’incruste des fonds réels à la place du fond vert. Cette direction m’intéressait car je ne voulais pas refaire L’Année Bisexuelle. Je voulais m’aventurer un peu. Elargir le spectre.

Comment avez-vous appréhendé ce rôle d’acteur, Bertrand, encore plus présent que dans la première émission ? D’où est venue cette envie de ce jeu minimaliste, particulièrement hilarant ?

BF. Il faut savoir qu’à la base, Bertrand a un jeu particulièrement outrancier. Pour mettre fin à ses cabotinages, la production a du l’envoyer faire une cure d’austérité. Il en est revenu métamorphosé.

BB. Benoit sait déceler et mettre en valeur tout ce que ma propre personne peut avoir d’aberrant et ridicule. J’essaie donc de respecter à la virgule près son écriture, c’est un scénariste et un dialoguiste brillant et rigoureux. J’ai tellement vu, en studio, des interprètes amocher des mélodies sous prétexte de se les approprier, je ne veux pas infliger ça à ses textes, le fait de pas les remettre dans un style oral doit contribuer à ma rigidité. Cette fois-ci j’ai essayé d’avoir une voix un peu chantante : j’ai remarqué qu’il y a un accent du terroir international comme il y a un arabe d’affaires, un accent méridional world dont on ne parvient plus à déceler l’origine, et qu’on peut entendre sur les annonces en gare, dans les bulletins météo de Jacques Kessler ou les analyses de Jean-Michel Apathie. Ca me semblait cadrer avec le côté culte du terrain d’une collectivité locale comme Port Alpha.

Benoit, comment s’est passé la séance d’écriture des dialogues de cette émission ? Qui a eu l’idée de ces fameuses « Coolinades » ?

BF. J’écris d’abord un séquencier, où je consigne quelques idées de dialogues. Ensuite, en deux ou trois jours, j’écris l’ensemble de l’émission. Je laisse reposer quarante-huit heures (douze en cas d’urgence, six à l’occasion de cette émission), puis j’affine. Au moment des répétitions, on procède encore à quelques ajustements. La trouvaille des Coolinades, c’est l’influence de la poésie singulière et prévisible des noms qu’on donne en France aux festivals d’été (les Déferlantes si la manifestation a lieu en Bretagne, les Occitanes si elles se passent dans le sud, les Estivales partout ailleurs…).

BB. Il était important de continuer dans une veine onirique et poétique, de pouvoir parler du monde dans lequel on vit sans être condescendant.

BF. Livrés à eux-mêmes, dépourvus d’agence de com’, le maire de Port Alpha et son adjoint font le choix plus ou moins heureux des Coolinades, où l’on sent qu’en quatre syllabes, ils ont tenté de séduire le plus grand nombre d’administrés, avec un peu de Cool à destination des jeunes, mais aussi le confort tranquille des sonorités in et ade, pour les plus vieux. De même, la présence subliminale des termes coulis et limonade contribue à attirer les personnes âgées comme les enfants. C’est le même souci de cohérence qui nous a amené à choisir pour titre Le Ben & Bertie Show.

Bertrand, comment avez-vous pensé la sélection des musiciens pour cette émission ?

BB. Toute programmation est par essence subjective et arbitraire. A défaut d’être juste il faut essayer d’être le plus sincère possible et se concentrer sur la qualité des chansons, en faisant abstraction au maximum du reste. Même si l’émission est diffusée sur une chaine privée il ne faut pas oublier que celles-ci sont des concessions de service public.

Je sais qu’un tel projet peut paraître destiné à un auditoire averti, pourtant il s’adresse à tous les publics, au-delà des goûts de chacun. On n’est pas obligé d’avoir un bateau pour regarder Thalassa, on n’a pas besoin d’être un spécialiste de musique pour regarder Le Ben & Bertie Show.

Y a-t-il des musiciens que vous auriez rêvé d’avoir, pour cette émission ? Quid de la participation d’Elie Semoun accompagné par AS Dragon, comment cela s’est-il fait ?

BB. Dès L’Année Bisexuelle les artistes ont répondu avec beaucoup d’enthousiasme à nos sollicitations. La difficulté est de trouver des répertoires qui se complètent, de présenter des vedettes sous un jour différent et d’autres musiciens plus confidentiels, avec le plus grand éventail possible de styles et de générations. C’est pour cela que nous n’annonçons pas les artistes, pour que l’attention du spectateur ne soit pas altérée par ses préjugés.

Pour répondre à la première partie de votre question, il y a un artiste que j’aurais aimé faire venir c’est Mickey Baker. Pendant 15 ans j’ai lancé des projets d’émission avec l’espoir de rendre hommage à ce pionnier du rock, qui végétait dans l’indifférence près de Toulouse. Lorsqu’enfin on a pu faire quelque chose il était en train de mourir. Et pour Elie Semoun j’avais beaucoup aimé cette chanson sur son premier album, vraiment bien écrite, ça me paraissait bien de lui rendre justice.

Quel est votre référence télévisuelle pour l’enregistrement des musiques dans les conditions réelles du live, aujourd’hui quasi disparu à la télé française ?

BB. Beaucoup de choses nous ont influencé (pour ma part ça va de Clouzot filmant Karajan à Cocoricocoboy) mais en ce qui concerne l’enregistrement de la musique à proprement parler il n’y a pas de référence directe car l’idée est de filmer de la façon la plus pure une performance en direct. Les musiciens jouent sans sono ni retours, avec juste un haut-parleur pour entendre la voix, ça les oblige à être très serrés, et ça donne plus de cohésion que lorsque chacun joue dans son coin. Mon souhait initial de montrer le moins possible que c’est du direct afin précisément de mieux mettre en valeur la performance en direct elle-même coïncide avec l’approche de Benoit, qui envisage l’écran comme une surface à peindre.

Quant au duo il y a bien sûr des précédents glorieux : Antoine de Caunes avec Shitty puis Jacky dans Chorus, Philippe Manoeuvre et Jean-Pierre Dionnet, Jean Richard en Maigret avec son célèbre adjoint Lucas, Maïté et Micheline de La Cuisine des Mousquetaires…

Doit on s’attendre à d’autres histoires improbables de Ben & Bertie en 2013 ?

BF. Superflics déambulant dans Pigalle la nuit pour le compte de la brigade du bon goût, restaurateurs ouvrant une cantine musicale où l’on déguste uniquement par les oreilles, conducteurs d’un véhicule Google Streetview perdus dans une contrée jamais visitée, patrons de chaîne, vendeurs de meubles, arbitres, Ben & Bertie semblent avoir fait toutes les formations, être rompus à l’exercice de tous les métiers. Leur CV, espérons-le, devrait bientôt s’allonger.

BB. 3 ou 4 Ben & Bertie Show par an ça nous semble un bon rythme si on ne veut pas engorger le PAF et lasser le public. Avec toujours la présence de Darius, Blandine Rinkel, Pierre Jouan, Jean-Pierre Kalfon, A.S Dragon.

Pour conclure, Ben & Bertie, et rebondir sur votre festival estival qui s’organise dans des conditions rocambolesques, quelle serait votre définition d’un été complètement raté ?

BF. Cela m’est déjà arrivé. En 2006. Alors que je m’apprêtais à suivre le Tour de France à bord d’un véhicule professionnel -un rêve d’enfance. Trépignant d’impatience et souhaitant faire une bonne nuit avant de prendre le départ, je prenais pour la première fois de ma vie des somnifères. Mal m’en prit. Je ne devais me réveiller que trois semaines plus tard, suite à l’intervention d’un voisin, dans un état de déshydratation avancé. Le Tour de France s’était achevé la veille sur les Champs-Elysées, et de l’avis de tous, il avait été l’un des plus beaux depuis des lustres. J’avais tout manqué. Un été de cauchemar, que je ne voudrais rééditer pour rien au monde. Que cet exemple serve de mise en garde à tous ceux qui voudraient faire une bonne nuit afin d’être en forme le 20 juin prochain, date de la première diffusion du Ben & Bertie Show.

BB. Le 31 juillet 1983 j’avais rendez-vous à 15h en gare de Narbonne avec des amis pour aller en vacances à Palamós, une cité balnéaire très moche de la Costa Brava. Je pars de Paris en voiture à l’aube et dans les embouteillages. J’arrive à Narbonne, personne. J’attends jusqu’à la nuit puis prends la route pour Palamós, pensant qu’ils sont déjà là-bas. A minuit j’essaie de rentrer dans l’appartement, les parents de l’ami chez qui on allait s’incruster sont encore là, ils me prennent pour un cambrioleur et appellent la Guardia Civil. Je reste tout seul sur place quelques jours jusqu’à ce que je découvre que mes amis se sont trompés d’une semaine. Dégoûté je prends la route pour Londres rejoindre ma fiancée, qui y est jeune fille au pair. Sur place on s’engueule, je rentre à Paris, j’ouvre la porte, le téléphone sonne. C’est mon beau-frère qui m’annonce que mon père a fait une rupture d’anévrisme pendant la Fête des Fleurs de Luchon. Je reprends la voiture dans la nuit. A l’hôpital, le frère de mon père éclate en sanglots et me dit : « comment je vais faire pour payer les traites de la BX ? ». On était le 1er septembre.

Interview Thomas Ducres